Sciences

Les expériences de « gain de fonction » en Chine : un danger persistant ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°2101, Publiée le 31/01/2024 - Crédits photo : NIAID / Wikimedia Commons.

Dans le débat sur les origines du Covid-19, de nombreuses questions restent à résoudre à mesure que progressent les travaux du sous-comité d'enquête de la Chambre américaine des représentants. Ses interrogations sous serment de plusieurs acteurs clés, dont Anthony Fauci et l'ancien directeur des National Institutes of Health, Francis Collins ont rendu une chose claire : la controverse n'est pas près de s'éteindre. C'est aussi le cas de la discussion au sujet des avantages et risques de la recherche génétique médicale, qui ne disparaîtra pas... même le jour où l'on saura avec certitude si le SRAS-CoV2 a émergé à Wuhan d'un marché ou de l'Institut de virologie lui-même.

Le sujet vient de refaire surface avec la parution sur BioRXIV d'un article en pre-print par des chercheurs à Pékin, détaillant leurs manipulations du coronavirus du pangolin GX P2V, proche du SRAS-CoV2, afin d'évaluer l'efficacité de vaccins potentiels contre d'éventuelles variantes du Covid-19. Compte tenu du fait que beaucoup soupçonnent le SRAS-CoV2 d'être issu d'expériences dites « gain de fonction », l'article a provoqué la consternation de plusieurs commentateurs, notamment en raison du résultat : 100 % de mortalité chez des souris de laboratoire « humanisées » (ayant des récepteurs humains dans leurs poumons) infectées par le virus. On s'inquiète évidemment devant la possibilité qu'un tel pathogène puisse s'échapper (aucune précision n'a été donnée quant au niveau de biosécurité en vigueur lors des études), mais on s'interroge aussi quant à une application militaire potentielle, étant donné qu'un des chercheurs, Yigang Tong, a été lié par le passé à l'armée chinoise. Certains scientifiques, comme Florence Débarre, connue pour son opposition à la théorie de l'origine du Covid-19 dans un laboratoire, ont affirmé que les craintes suscitées par l'article seraient excessives et que l'expérience chinoise ne fait que refléter des procédures de routine. D'autres ont été beaucoup plus critiques, dont Bruno Canard (CNRS), François Balloux (University College à Londres) ou l'ancien directeur du Center for Disease Control (CDC) américain, Robert Redfield, qui vient d'appeler à un moratoire en ce qui concerne les expériences de gain de fonction.

Étant donné que les recherches à Wuhan étaient le fruit d'une collaboration sino-américaine, la question de la transparence des autorités américaines et chinoises au début de la pandémie reste au cœur du débat. Du côté chinois, le Wall Street Journal a révélé que la chercheuse Lili Ren à Pékin avait soumis la quasi-totalité du génome du SARS-CoV2 à un site gouvernemental américain le 28 décembre 2019, deux semaines avant la révélation du virus par Beijing à l'OMS - un délai qui interroge, pendant lequel la Chine maintenait officiellement qu'il s'agissait d'une pneumonie virale « de cause inconnue ». Coté américain, la récente admission par Collins et Fauci que l'hypothèse d'une fuite du SARS-CoV2 d'un laboratoire n'est pas juste une « théorie de complot » a fait couler beaucoup d'encre par son ironie : des journalistes tels qu'Emily Kopp ont montré qu'en 2020, Collins et Fauci avaient promu l'idée d'une origine naturelle du virus et discrédité celle d'un lab leak - malgré les soupçons de certains de leurs conseillers scientifiques. Fauci vient de dire qu'il n'avait pas de préférence marquée à l'époque entre les deux théories mais les vidéos de ses multiples interventions dans les médias américains semblent contredire ses propos actuels.

Pour certains, tels que Richard Ebright (Rutgers University), la thèse d'une fuite du SARS-CoV2 est devenue imparable suite aux dernières révélations concernant le projet DEFUSE proposé en 2018 par l'ECOHealth Alliance de Peter Daszak (interlocuteur principal entre Wuhan et les autorités américaines). Ce projet a notamment visé l'assemblage en laboratoire de virus synthétiques proches du SARS-CoV1 en 6 sections en utilisant l' « enzyme de restriction » BsmBI, « ciseaux moléculaires » capables de découper l'ADN. En 2022, trois chercheurs avaient déjà analysé le génome du SARS-CoV2 et trouvé qu'on pouvait le diviser en 6 à des points régulièrement espacés en utilisant justement de tels enzymes. Selon ces auteurs, les chances de trouver cette régularité chez un virus naturel seraient minimes, suggérant fortement que le SARS-CoV2 soit synthétique. S'il s'agit d'une preuve concluante pour Ebright, d'autres scientifiques y voient plutôt un indice fort parmi d'autres, dont la présence du fameux site de clivage de la furine dans le SARS-CoV2, clé de son infectivité. Un site insolite pour un coronavirus naturel, mais dont l'insertion dans des virus était prévue par DEFUSE. Accusé d'avoir entrepris des recherches dangereuses, L'ECOHealth Alliance s'est défendue en disant que, suite au refus américain de financer DEFUSE, les expériences décrites n'ont jamais été effectuées. Cette argumentation peine pourtant à convaincre ceux qui considèrent le projet comme un blueprint pour le virus qui a tué plus de 7 millions de personnes depuis 2020.

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1 commentaire
Le 01/02/2024 à 08:21
Il n'y a plus de Dieu ni de conscience en recherche fondamentale. Ces néo-virus sont des OGM . Faut-il les interdire par principe ? Sans doute par obligation morale sans que cette mesure soit vérifiable . Les archives soviétiques montrent que malgré l'éradication mondiale officielle vers 1980 les soldats de Russie étaient régulièrement vaccinés à partir de souches virulentes que possédait alors l'URSS dans son laboratoire dédié. Ceci indique que le virus était toujours l'objet de recherches en vue de l'emploi de ce mal en tant qu'arme biologique. Cependant il n'est pas de pays capable de cet emploi militaire du Cow Pox et ses dérivés qui n'en conserve aujourd'hui les souches les plus actives.
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