Sciences

 Il était une fois LUCA, l'ancêtre commun supposé de tout être vivant…

Par Emma Bellavia. Synthèse n°2304, Publiée le 26/10/2024 - Image : Le monde des bactéries (Pixabay)
 Il y a 4,2 milliards d'années serait apparu LUCA (Last Universal Common Ancestor), l'ancêtre commun à tout être vivant actuel. Mais que sait-on vraiment de lui et de l'environnement dans lequel il évoluait ? Comment les scientifiques remontent-ils l'horloge du temps pour essayer de décoder son génome, dont une nouvelle reconstitution possible a été présentée en juillet 2024 dans la revue scientifique Nature Ecology and Evolution ?

Il était une fois LUCA, un organisme unicellulaire dépourvu de noyau qui aurait vécu il y a 4,2 milliards d'années. LUCA serait le dernier ancêtre commun à tout être vivant sur Terre. Selon les dernières estimations, son génome aurait été composé de 2 600 plans de protéines, que tous les vivants sur Terre possèdent. LUCA serait similaire à un procaryote (cellule sans noyau) moderne. Il se serait nourri d'hydrogène et de dioxyde de carbone. Son lieu d'habitation imaginé est encore à ce jour sujet à débat au sein de la communauté scientifique. Une première hypothèse énonce qu'il vivait non loin de sources hydrothermales océaniques, où l'hydrogène et le dioxyde de carbone abondent. Une deuxième suggère qu'il vivait près de la surface de l'eau, exposé aux rayons UV. Cela serait justifié par l'étude de certains de ses gènes, qui lui conféraient la capacité de réparer les dommages cellulaires causés par les rayons UV. D'après cette dernière étude parue cet été, LUCA exploitait et modifiait son environnement, ce qui amène à penser qu'il n'était pas seul, mais qu'il interagissait sûrement avec d'autres organismes. Il aurait même été en contact avec des virus contre lesquels il se serait battu. L'existence d'un système immunitaire chez LUCA en témoigne. Son métabolisme aurait aussi rejeté des déchets comme de l'acétate, qui aurait servi de nourriture à d'autres formes de vie. Mais comment est-il possible d'en connaître autant sur un organisme ayant vécu il y a si longtemps ?

Pour en savoir plus sur LUCA, les scientifiques ont tout d'abord constitué une base de données à partir de génomes de procaryotes, des êtres unicellulaires actuellement présents sur Terre. LUCA se situerait au point de divergence d'une évolution qui a donné plus tard deux grandes familles de procaryotes : celle des archées et celle des bactéries. Les archées possèdent des caractéristiques génétiques et métaboliques uniques, ce qui leur permet de survivre dans des milieux aux conditions extrêmes tels que les milieux salins ou encore les sources hydrothermales. Les bactéries, quant à elles, sont omniprésentes sur Terre. Leurs lieux d'habitat peuvent être les sols, mais aussi les océans. Elles jouent un rôle essentiel dans de nombreux processus écologiques, comme le cycle des nutriments. Les deux familles unicellulaires des archées et des bactéries ont ensuite évolué vers des organismes plus complexes, multicellulaires, comme les plantes et les animaux.

Les scientifiques ont ensuite reconstruit les scénarios possibles d'évolution des différents gènes de LUCA au fil du temps et les ont représentés sous la forme d'arbres phylogénétiques (sorte d'arbres généalogiques des espèces). LUCA est déterminé par la base du tronc de chacun des arbres. La transmission des gènes entre les espèces se fait ensuite verticalement des racines aux branches ou horizontalement suivant les branches. Les fossiles actuellement connus sont utilisés comme points de référence. La plus ancienne trace d'une activité biologique à ce jour est tenue par les stromatolites, des structures rocheuses bâties par des micro-organismes, dont la plus vieille date de 3,4 milliards d'années. Au-delà, ce sont des traces chimiques qui sont prises comme repère.

L'analyse de ces arbres phylogénétiques permet aux scientifiques de conjecturer les gènes de procaryotes présents dans le génome LUCA et d'estimer à quelle époque il vivait. Pour obtenir l'âge de LUCA, ils ont utilisé deux modèles mathématiques : le modèle ILN et le modèle GBM. Le premier permet de déterminer les dates d'événements évolutifs, tels que des mutations génétiques, en prenant en compte le nombre de branches de l'arbre. Le deuxième, quant à lui, modélise l'évolution des gènes en considérant les variations des taux de mutation en fonction du temps. Il permet ainsi d'avoir une idée des divergences évolutives. Même si les incertitudes des résultats obtenus sont de plus en plus importantes lorsque l'on remonte dans le passé, l'utilisation de ces deux modèles permet d'avoir une vision plus complète de l'évolution des gènes présents dans LUCA et d'améliorer la précision de sa datation.

De nombreux mystères restent encore à résoudre pour les scientifiques, notamment sur la nature du génome de LUCA, qui demeure inconnue. S'agit-il d'un génome de type ADN ou d'un génome de type ARN ? La raison d'étudier ce micro-organisme va bien au-delà de l'objectif d'en apprendre davantage sur l'ancêtre commun à tout être vivant. Son étude permet aussi de mieux comprendre les mécanismes fondamentaux de la diversification de la vie telle que nous la connaissons aujourd'hui. Elle soulève également la question de la possibilité d'une forme de vie extraterrestre capable, à l'image de LUCA, de vivre dans des conditions extrêmes similaires à celles de la Terre primitive. La recherche sur LUCA constitue donc une clef pour appréhender à la fois la vie terrestre et la possibilité d'une vie extraterrestre.

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L’ancêtre commun à tout le vivant actuel en partie décrypté
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