Campi Flegrei : le volcan le plus dangereux de l'Europe se réveille
Pour beaucoup, la ville de Naples est indissociable du légendaire volcan Vésuve, dont les cendres ont enseveli Pompéi et Herculanum en l'an 79 et dont la dernière éruption remonte à 1944. Surveillé de près par les sismologues, il est vrai qu'il reste une menace potentielle pour la région. Cependant, au cours des derniers mois, l'opinion publique hors d'Italie a pris conscience du danger encore plus grave posé par un supervolcan à l'ouest de Naples, les Champs phlégréens (Campi Flegrei), où des signes récents d'activité commencent à inquiéter sérieusement les autorités publiques.
Considéré par les scientifiques comme la zone volcanique la plus dangereuse d'Europe, Campi Flegrei était déjà connu dans l'Antiquité comme la porte des enfers. Il figure parmi les 20 supervolcans de la planète capables d'une éruption de magnitude 7-8 sur l'indice d'explosivité volcanique (l'éruption du Vésuve en l'an 79 avait atteint la magnitude 5). Entré en éruption au moins 60 fois dans l'histoire, certains pensent que Campi Flegrei aurait provoqué la disparition de l'homme de Neandertal il y a 40 000 ans. Cependant, la zone attire beaucoup moins l'attention que le Vésuve, et cela pour trois raisons. D'abord, environ un tiers des Champs phlégréens se trouve partiellement sous la mer. Deuxièmement, la structure conique du Vésuve correspond parfaitement à notre image mentale d'un volcan, alors que Campi Flegrei est une dépression géologique formée de 24 cratères s'étendant sur une distance de 13 kilomètres, marquée par l'émission de vapeur et de gaz volcaniques à travers des fissures dans le sol. S'il possède bien une colline conique, le « Montenuovo », produite en l'espace d'une journée lors de la dernière éruption en 1538, sa hauteur n'est que de 133 m. Troisièmement, alors que la partie supérieure du Vésuve est inhabitée, la caldeira du Campi Flegrei est densément peuplée et donc plutôt cachée, abritant plus de 360 000 personnes.
C'est la présence de cette population qui préoccupe les autorités locales, en raison de la nécessité d'un plan d'évacuation en cas d'augmentation de l'activité du volcan, dont les signes les plus évidents sont les secousses et l'élévation du sol en réponse à la pression des gaz et magma souterrains. Ce phénomène a atteint un niveau critique en 1982-1984, lorsque la ville côtière de Pozzuoli a été évacuée suite à un soulèvement important du terrain ainsi qu'un séisme d'une magnitude de 4,2 en octobre 1983, présageant une possible fracturation des roches du volcan qui aurait permis au magma piégé sous terre de remonter rapidement à la surface. Certains se sont étonnés qu'il n'y ait pas eu d'éruption, ce qui a été attribué à la résistance de la roche et à sa ductilité (capacité à se plier sous pression plutôt qu'à se briser).
Alors que le sol s'est affaissé après 1984, la phase de soulèvement actuelle a commencé en 2004. Si on parle de Campi Flegrei aujourd'hui, c'est parce qu'on y observe des conditions similaires à celles des années 1980. Outre le soulèvement continu du sol, plus de 3 000 tremblements de terre ont eu lieu en 2023, dont un séisme de 4,2 le 27 septembre. Une étude publiée en juin par des chercheurs italiens et britanniques a noté des changements dans la croûte de Campi Flegrei, « induisant une rupture lente » ; « une fois la rupture achevée, elle offrira au magma et au gaz remontant d'une plus grande profondeur un accès plus facile à la surface qu'auparavant ». L'élasticité de la roche serait inférieure par rapport à 1984, augmentant la probabilité de sa fracture et donc d'une éruption. Ce scénario est loin d'être inévitable, mais le Dr Stefano Carlino de l'Observatoire du Vésuve a averti que « le dernier tremblement de terre […] dans la région de Naples fait partie d'un processus de fracturation de la croûte du Campi Flegrei - une croûte qui devient progressivement plus faible ».
Il est impossible de prévoir les conséquences d'une éruption majeure du supervolcan, qui pourraient théoriquement s'étendre bien au-delà de la zone immédiate, entraînant d'importantes pertes en vies humaines et même un « hiver volcanique » en Europe et ailleurs pendant plusieurs années, dû à la libération massive de gaz tels que le dioxyde de soufre, qui réduisent le rayonnement solaire atteignant la terre. Un tel phénomène s'est notamment produit suite aux éruptions du Krakatoa (Indonésie) en 1883 et du Pinatubo (Philippines) en 1991. Pour les napolitains, par contre, la situation n'a rien de spéculatif : le 5 octobre, le gouvernement italien a approuvé un « décret Campi Flegrei », donnant 3 mois pour élaborer un nouveau plan d'évacuation pour les habitants des quartiers à risque de Naples ainsi que pour la zone autour des Champs phlégréens et du Vésuve. Pour l'instant, il est prévu que la population concernée soit mise à l'abri dans d'autres régions italiennes en cas d'urgence. La question de savoir si une telle évacuation peut réellement se faire de manière ordonnée dans une grande agglomération aussi chaotique que Naples est une autre question.